Réparations en tout genre [Aydan & Kate]

Aujourd’hui nous avons un groupe de bénévoles qui viennent nous aider à entretenir le centre. Ça nous évite les frais supplémentaires, mais surtout ça sensibilise la population environnante. Les partenariats avec le Blue Gentian College sont un bon tremplin de sensibilisation. Evidemment en Août la majorité des étudiants sont rentrés chez eux ou en vacances ailleurs, les habitants de Stonebird aussi sont moins nombreux. Mais c’est tout de même un groupe de 15 personnes qui se présentent à moi. J’en suis ravi. Le touriste est à son paroxysme chez nous, et c’est l’image de la fauconnerie et du parc animalier qui est en jeu si on ne remet pas en état certains éléments.

La jeune Lise est là, comme prévu. Et je suis heureux de constater qu’elle a réussi à convaincre son amie Kate de venir. Lise est une petite tête butée quand elle a une idée en tête, elle ne lâche pas l’affaire. Je l’aime bien pour ça, et son amour des animaux. J’aime travailler avec elle car elle ne rechigne pas à la tâche et est très douce avec les animaux, c’est pour ça que j’ai accepté qu’elle fasse ses stages chez nous dans le cadre de ses études.
Mais aujourd’hui je vais faire les groupes de travail autrement. Lise a évoqué plusieurs fois son amie Kate, surtout parce que cette jeune fille ne livre pas facilement ses douleurs et difficultés. Ça perturbe beaucoup la jeune Lise qui a été élevée dans une famille où on exprime ses émotions, positives et négatives. Elle se sent démunie face à Kate. Ce sentiment de ne pas savoir aider un ami est quelque chose qui ronge de l’intérieur. Lise m’a un peu parler de l’accident auquel elles ont assisté et leur intervention, mais surtout de son sentiment de culpabilité. Pour Lise, Kate a des démons qu’elle enfouit depuis toujours au plus profond d’elle-même, mais elle sent que c’est pire depuis ce jour tragique. Ça m’a fait sourire car je crois que je comprends Kate. Je ne suis pas du genre bavard sur mes émotions, surtout mes peines. Mais je suis sensible à beaucoup de choses. C’est surement ce qui fait de moi un bon fauconnier et guide nature. La vie m’a appris à forcer ma nature enfermée pour parler de ce qui ne va pas. Ça aide à avancer. Mais ce n’est pas pour ça que c’est facile. Il suffit de voir la relation tendue avec mon frère ainé pour s’en rendre compte.
J’ai donc proposé à Lise de ramener son amie à cette matinée bénévolat pour lui changer les idées. Evidemment je n’ai pas dit à Lise que si je peux faire comprendre à son amie l’intérêt de se livrer de temps en temps pour son bien, je le ferais. Lise ne veut tellement pas braquer son amie, qu’elle a un peu tendance à la surprotéger à mon avis !

Je répartis les tâches dans le groupe et propose à Lise de prendre en charge avec deux autres bénévoles, le nettoyage de l’enclos des renards et vérifier la solidité des barrières. Evidemment les petits roux sont restés parquer dans un plus petit enclos de secours. Ils ne devraient pas attaquer l’homme, mais je préfère ne pas prendre de risque avec des bénévoles. Lise est capable de gérer et diriger les opérations. Elle l’a déjà fait avec moi et elle a pris pas mal d’assurance dans ce domaine. Je lui fais confiance et à voir son visage s’illuminer, je sais qu’elle en est heureuse. Par contre elle s’accroche à la manche de son amie. Elle s’inquiète de son sort puisque je ne l’ai pas intégrée au groupe de Lise. Il y a vraiment un lien fort entre ces deux jeunes demoiselles. Je comprends l’inquiétude de Lise pour son amie.

J’ai déjà croisé Kate dans le club « projets eco université ». Je n’en suis pas référent mais j’interviens de temps en temps suivant les projets proposés. Loin de moi l’idée de jouer les psy avec une jeune demoiselle qui ne me connait pas beaucoup. Mais un peu d’effort physique ne lui fera pas de mal, et on peut faire connaissance.

- Kate, ça te dit de m’accompagner pour réparer l’enclos des ânes. J’ai besoin d’une aide pour tenir les bois quand je les fixe.

Je lui souris pour la rassurer. Lise également et lui fait un signe de tête pour approuver. Elle lui dépose une bise. Elles sont mignonnes. Mi femme mi enfant. Elles vont en faire tourner des têtes !

Chacun part dans la direction de sa mission. Ona a sagement attendu sur un des poteaux que j’en finisse avec le groupe. Levant la main, je lui fais signe qu’elle peut venir. Aussitôt elle se pose sur mon épaule droite, toujours munie d’une épaulette de cuir à son intention.

- Kate, je te présente Ona, jeune femelle faucon crécerelle que j’ai soignée. Elle me suit comme mon ombre maintenant, surtout parce qu’elle ne peut réintégrer le milieu naturel sans assurance d’y survivre. Son aile fatigue vite. Et je crois qu’elle est amoureuse !

Affichant mon petit air taquin, j’éclate de rire à ma petite taquinerie habituelle. Je monte dans la voiturette électrique où se trouve mon matériel.

- Tu viens ?

« La fauconnerie ? »

Kate a levé un sourcil presque dubitatif à la proposition de Lise. Elle n’y est jamais allée mais son amie lui a vanté la beauté des lieux, et le travail gratifiant de bénévolat qu’elle réalise là-bas. Par manque de temps ou un simple non-attrait à cette activité, Kate n’a jamais eu cette étincelle d’intérêt pour ce genre de choses.

Jusqu’à ce que Lise lui propose. C’est à ce moment que l’Irlandaise a considéré s’adonner à ce type d’activités, dont elle n’est pas très familière. Non pas que son milieu social lui interdise le bénévolat, surtout avec des parents assez ouverts d’esprit, God bless, mais elle n’a jamais pensé s’intéresser à toutes ces choses-là, un univers assez différent du sien, mais tout aussi accueillant en somme.

Kate a fini par accepter, avec une boule dans le ventre mais une certaine excitation derrière tout ça. Parce que ça la change de sa routine et que ça lui fait découvrir de nouvelles choses. Et que, après ce terrible accident, elle n’a eu envie que de s’échapper. Physiquement et mentalement. Alors changer d’environnement et réaliser, comme lui a expliqué Lise, un travail sans doute manuel, c’est une bonne méthode pour tenter de se vider la tête et de s’empêcher de se morfondre dans ses pensées noires.

Parce que, qu’est-ce qu’elle en a eus, de ces sentiments négatifs qui la grignotent, qui la brûlent à petit feu sans qu’elle ne puisse rien y faire. Parce que, malgré sa combativité, malgré sa grande détermination, Kate se retrouve parfois sans arme devant la force de ses soucis, la malice de ses démons. Et elle se sent si faible, et ça la met en rage, mais elle fait tout pour rester comme d’habitude. Elle n’y arrive pas totalement. Elle sent le regard de ses proches. Ils savent qu’elle a changé après l’incident, et pas pour le mieux. Plus renfermée, la créativité qui fait le yoyo et son humeur qui est sur des montagnes russes. Ses coups de sang sont plus fréquents, plus intenses, et ses périodes de ruminage plus longues.

Alors sortir de tout ça, même le temps d’une journée, n’est-ce pas une bonne idée ?

(…)

Kate se retrouve seule avec le proprio de la fauconnerie. Son nom ? Elle l’a perdu en route. Elle aurait voulu rester avec Lise. Sa présence rassurante dans un environnement inconnu lui aurait fait du bien, mais ce n’est pas elle qui décide. Et ce n’est pas le moment de faire un caprice. Alors Kate l’a regardée s’éloigner avec quelques personnes, tellement dans son élément. Le contraire de Kate. Elle a souri amèrement et a fini par suivre l’homme.

Parlons de lui. Qu’est-ce qu’elle ressent, émaner de lui ? De la gentillesse, sans aucun doute. Peut-être de la douceur. En tout cas, pas d’animosité, pas de brutalité. Une certaine fermeté. Elle se dit qu’elle n’a pas de raison de ne pas lui faire confiance, mais ce n’est pas quelque chose qui s’accorde facilement. Elle reste sur ses gardes, mais ne se braque pas. Elle est un peu mal à l’aise, devant ce visage qui ne lui est aucunement familier, devant cette personne qu’elle ne connaît absolument pas, mais elle est d’un naturel ouvert, bavarde et à l’aise dans la plupart des situations sociales. Mais pour l’instant, elle garde le silence.

Jusqu’à ce que le faucon arrive, majestueusement, et se pose sur l’épaule de l’homme. Elle ne peut retenir une exclamation d’admiration devant l’oiseau de proie, qui n’est d’ailleurs pas si grand que ça. Elle écoute le fauconnier, et lâche un petit rire. Les animaux finissent toujours par s’attacher à ceux qui leur viennent en aide. Kate observe avec curiosité la dénommée Ona, tandis que celle-ci, après un bref regard perçant, ne lui a plus accordé une seconde d’attention.

« Elle est jolie, elle a une petite tête mignonne. »

Elle adresse un léger sourire à l’oiseau, qui ne lui rend pas. Mais c’est pas grave. Kate monte dans le véhicule, qui s’élance à une allure modérée à travers le lieu, qui est bien plus étendu qu’elle l’aurait cru. Avec le vent qui souffle à leurs oreilles, Kate ne trouve pas l’intérêt de faire la conversation. Ils auraient le temps de faire connaissance durant la réparation. D’ailleurs, elle n’a aucune connaissance en bricolage. Kate n’a jamais fait ça. Elle connaît la plupart des outils, mais n’en a jamais tenu. Elle se mordille la lèvre inférieure et espère réussir à faire le travail qu’on lui donne. Elle n’aime pas l’échec, elle n’aime pas se rétamer devant les autres. Et surtout, elle sent que si elle fait tout de travers, elle s’en retrouvera complètement découragée. Elle n’a pas la force de rebondir. Depuis toute petite, elle tombe et elle se relève, mais en ce moment, c’est dur.

Le véhicule s’arrête et elle sort de ses pensées. Ils sont arrivés. Elle saute de la voiturette et se précipite vers l’enclos. Les ânes ! Kate les regarde avec l’émerveillement d’une enfant. Ils sont beaux et nonchalants, superbes animaux qui, au final, lui ressemblent un peu, insoumis et attentifs. Certains s’approchent de la barrière et Kate sourit avec ravissement, s’empressant de caresser le plus près. Ils ont l’air si doux. Elle rit, oubliant un instant l’inquiétude qui lui avait serré le cœur dans le véhicule.

Elle se tourne vers l’homme, lui adressant un sourire radieux.

« Ils sont si beaux ! Vous leur avez donné un prénom ? »

Puis, une pensée lui traversant l'esprit, elle prend une expression penaude et ajoute.

« D'ailleurs, j'ai oublié votre nom, est-ce que vous pouvez me le rappeler, s'il vous plaît ? »

Lorsque j'invite l'amie de Lise à me suivre, il est évident qu'elle n'est pas enthousiaste de se séparer de son amie. Mais elle ne proteste pas et me suit de bonne grâce, j'ai donc espoir qu'elle se plie à l'exercice. Évidemment loin de moi l'idée de lui faire tenir des éléments lourds ou refixer un bout de barrière seule. Elle ne me parait pas assez solide pour ça et Lise m'a prévenu que son amie n'a jamais fait de tels travaux. Ce qui me fait croire que Kate n'appréciera peut-être pas l'activité, donc autant y aller en douceur et lui montrer les bons côtés. Une chose à la fois. Le but est de réparer l'enclos mais aussi que la demoiselle y trouve son compte. Se changer les idées ou découvrir les ânes par exemple. Si Kate n'y voit aucun bénéfice pour elle, elle ne reviendra pas ou ne retenterai pas d'activités bénévoles ailleurs. Je suis sûr que je peux lui montrer les belles facettes de ce genre d'acte généreux, qu’il y a de bons moments à passer.

Je ne suis pas l'homme le plus doux du monde, mais j'ai une certaine patience. Ona peut en témoigner, si seulement elle savait parler à cette jeune fille. En tout cas, Kate est captivée par ma belle faucon femelle qui me rejoint. C'est souvent le cas des enfants et certains adultes. C'est le contact à un animal sauvage qui procure cette sensation de plénitude unique. Et je suis content de découvrir un sourire sur le joli visage de la demoiselle. Et en plus, j'entends enfin le son de sa voix. Ravi de voir qu’elle n’est pas complètement contrariée.
Ces compliments me font sourire. J'acquiesce juste de la tête, puis invite Kate à prendre place à mes côtés dans la voiturette électrique. Le trajet n'est pas long. Mais le silence qui y règne m'inquiète un peu. Il va être difficile de communiquer si Kate a du mal à décrocher un mot. Mais je mets ce moment sur le compte de l'angoisse d’être seule avec moi. Elle se mordille la lèvre comme une petite fille anxieuse qui attend de savoir à quelle sauce elle va être mangé. Alors je respecte son silence. Ona s'est posé sur la barre de toit, comme à son habitude. Elle a un petit côté fainéante parfois qui me fait sourire. Des fois ça arrive pendant le spectacle, ça met un peu d'animation et change le déroulé du jeu, ça nous fait de la distraction.

Arrivés à l'enclos, je saisie la trousse à outil et désigne l'enclos des ânes à Kate.
En fait, non. Je n'en ai pas besoin. Le petit bout de femme, qui m’inquiétait pour son silence pendant le trajet, s'anime soudainement comme ces petits écureuils trop contents de découvrir plein de noisettes à leur portée. J'en souris et la laisse faire.
Déposant la trousse au pied du premier barreau à remplacer, Kate me demande s'ils ont des noms. Je lui souris, opine de la tête et lui désigne les deux premiers au pelage noir.

- Tous les ânes de cet enclos resteront ici en captivité. Ils ont trop été en contact avec l'homme pour se débrouiller seul dans le Burren. Les deux au pelage noir que tu vois là sont des grands ânes du Berry, une région de France. Ils appartenaient à un agriculteur décédé l'an dernier dont la femme ne pouvait plus gérer l'entretien. Ils s'appellent Elliott et Ness. Le proprio était fan de la série les incorruptibles. Ils ont 28 ans et finiront leur jour tranquillement dans ce pré. Les deux autres là-bas ont une histoire différente.

J’ouvre la barrière et entre dans l’enclos, avant d’inviter Kate à me suivre d’un geste du bras. J’en profite pour répondre à sa seconde question qui m’a fait sourire.

- Je m’appelle Aydan Conway. Ayd ou Aydan ça ira bien. On s’approche d’eux ? Tu ne crains rien. Il suffit d’être calme, ne pas faire de gestes brusques, ni crier. Enfin la base pour tout contact à un animal. Le petit gris sur le côté est un âne Pie d’Irlande, il est né sauvage, mais a été durement blessé par un barbelé d’un paysan mal intentionné. Il a fallu un an pour qu’il se rétablisse complètement et maintenant il ne saurait pas survivre à l’état sauvage. Il s’appelle Peanut. Le quatrième est un Bourbonnais recueilli d’un haras mal traitant. Il est tout jeune, 4 ans, et a été baptisé Many.

Ce dernier accourt dès qu’il nous entend. C’est comme un petit bébé celui-là. Je sors de ma besace un bout de pomme et lui tend dans ma main. J’ai toujours une besace de fauconnier sur moi, des fois qu’Ona ne revienne pas. Mais je porte également une autre besace où je mets quelques fruits, pour les animaux fructivores que nous avons et que je peux passer voir au gré de ma journée. Le but n’est pas de les appâter ou les gaver, mais simplement de les remercier de nous accueillir dans leur territoire.

Many se laisse caresser à l’encolure sans soucis. C’est d’ailleurs celui que nous mettons le plus en contact avec le public. Je travaille l’idée de développer des balades à dos de poneys pour les enfants. Je ne perds pas espoir qu’on puisse mettre cela en place pour le prochain été, avec l’aide de leur soigneuse.

- Tu as déjà été en contact avec de tels animaux, Kate ?

Je la laisse prendre son temps, qu’elle se rassure un peu au contact de Many et se détende.
Les trois autres ânes rappliquent rapidement. Ils savent bien qu’ils vont avoir chacun leur morceau de fruit. Je fais un compliment et une caresse à chacun, tout en leur donnant leur petit présent.

Mais le temps vient de s’atteler à la tâche pour laquelle nous sommes là.

- On se met au travail ?

Je claque des mains plusieurs fois. C’est un signal pour eux de me laisser évoluer dans leur périmètre. Retournant contre la barrière, je désigne un des éléments les moins abimés.

- On refixe ce barreau pour commencer. Je te demande juste de bien maintenir la planche sur le poteau. Met tes mains là. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas te taper sur les doigts.

Je lui montre où poser ses mains et à quel niveau maintenir la planche. Fouillant ma trousse d’outils, je sors les clous neufs et mon marteau.

- Tu es prête ? Ça va vibrer dans tes bras et faire du bruit.

Alors ils ont des prénoms ! C’est tout ce qui importe pour la jeune fille, des étoiles dans les yeux. Elle a le don de ressembler à une vraie gamine dans ses moments les plus insouciants. Elle se dit qu’elle a demandé les noms des animaux mais qu’elle risque de ne pas les retenir aussi facilement qu’elle le voudrait, mais elle est quand même heureuse. Ses neurones se connectent et tentent de mémoriser les prénoms que l’homme lui cite. Elliott. Ness. A la mention de leur mort inexorable, elle sent son cœur se serrer légèrement. Évoquer la mort lui fait penser immédiatement à celle qu’elle a frôlé, dans ce bus, cette fois-là. C’est inéluctable, elle ne peut pas se sortir l’incident de la tête, c’est comme une mélodie qui se répète en boucle encore et encore et encore et elle a l’impression de devenir folle à se ressasser les événements involontairement, à y repenser à la plus banale des remarques, au moindre détail qui lui fait penser à la fumée qui sortait du capot, au crissement du verre sous ses chaussures, aux pleurs des enfants et au chant des grillons dans les hautes herbes alors que le réseau se faisait si durement absent.

Elle cligne des yeux alors que la porte de l’enclos s’ouvre et elle parvient à esquisser un faible sourire alors que l’homme lui fait signe de le suivre. La joie de se retrouver avec les ânes lui remonte le moral qui vient de chuter, et sans qu’elle ne puisse faire disparaître ses pensées, elle arrive à les mettre de côté pour écouter Aydan. Ce nom-là, il ne faut pas qu’elle l’oublie, ça serait con pour le reste de la journée.

Peanut et Many. Son esprit la pèse mais son cœur s’allège le temps d’un sourire sincère, qui finit en expression émerveillée alors que le petit âne vient à sa rencontre sans, il lui semble, une once de peur. Kate approche la main de son encolure et la flatte avec une joie enfantine. Elle glousse.

« Many, comme dans L’âge de glace. »

Elle a des références extraordinaires. Elle écoute la question de l'homme et ne réfléchit pas bien longtemps avant de répondre.

« Non, enfin, je me promenais parfois dans les champs à proximité de Cork, mais c’était rare et je n’avais pas un tel contact avec les animaux. Donc on peut dire que c’est une première ! »

Many donne de petits coups de tête contre la main de la jeune fille, comme pour l’encourager, et elle laisse échapper un rire amusé et attendri. Elle aurait pu rester encore longtemps en compagnie des ânes, si calmes et doux, mais Aydan lui rappelle qu’ils sont venus pour autre chose que caresser ces gentilles bêtes. Elle délaisse avec regret Many pour suivre l’homme jusqu’à la barrière, où il lui explique ce qu’ils vont faire. Bon. Pas trop compliqué, a priori. Si son seul rôle est de tenir une planche, elle n’a aucune raison de foirer. D’un autre côté, ce n’est pas réellement gratifiant. ‘Maman, j’ai aidé à réparer une barrière aujourd’hui !’ ‘Super, tu as fait quoi exactement ?’ ‘J’ai juste tenu la planche et rien d’autre !’ Ce n’est pas très glorieux, mais Kate relativise en se disant qu’elle n’aurait pas assumé faire quelque chose de plus technique tout de suite.

Elle regarde avec curiosité le marteau et les clous, non pas qu’elle n’en ait jamais vu auparavant, mais elle n’a jamais eu l’occasion d’en utiliser. Ses parents non plus, ni aucune personne de son entourage. S’il y avait quelque chose à bricoler ou à réparer, ça ne se faisait pas sous ses yeux. Elle se sent un peu anxieuse, sans trop savoir pourquoi, mais met ses mains sur la planche comme Aydan lui a indiqué. Elle lui fait assez confiance pour ne pas la lâcher alors qu’il donne un premier coup de marteau. Il a eu raison de la prévenir : ça secoue et ça fait du bruit. Elle maintient cependant la planche avec fermeté jusqu’à ce qu’Aydan termine, même lorsque, serrant trop fort, elle sent une vive mais brève douleur irradier de la paume de sa main droite. Elle inspire un coup et lâche la planche quand il lui indique qu’il a fini avec les clous.

Kate est habituée à se blesser sans gravité. Elle s'est coupée avec du papier maintes fois, et ses balades dans la nature lui ont permis de se récolter des bleus, des égratignures et des échardes un nombre incalculable de fois. Alors ici, elle se fait mal, d'une façon brute et soudaine, mais comme d’habitude, elle fait avec. La douleur s’est évanouie, elle ne sent plus rien. Elle n’ose pas jeter un coup d’œil à sa main alors qu’Aydan peut la voir, mais elle est sûre que ce n’est pas grand-chose.

Plus important qu’une simple écharde, ses yeux traînent sur le marteau et le clou que l’homme a à la main, puis remontent sur son visage marqué par les années, aux traits paisibles. Elle lui sourit.

« Une parfaite réussite ! Est-ce que je peux m’occuper des clous ? J’aimerais apprendre à le faire. »

Une soif d’apprendre, une curiosité débordante et une détermination qui l’a toujours portée loin, voilà ce qui caractérise si bien Kate.

Kate est étonnante. Elle brille d’insouciance devant les ânes. J’avoue que je ne réfléchis pas vraiment lorsqu’elle me demande ils ont un prénom. J’ai tellement l’habitude de tout expliquer que ça sort tout seul. Mais je m’en rends bien compte que Kate est totalement différente de Lise. Autant Lise veut tout savoir sur les animaux et est même parfois insatiable, autant Kate semble se contenter de savoir qu’ils sont apprivoisés et baptisés. Elle semble dans son monde. Je ne suis pas sûr qu’elle m’écoute, mais peu m’importe en soi. L’objectif de la journée est de réparer l’enclos, et si possible établir un contact amical avec la petite demoiselle. Pour l’instant les ânes ont l’air d’avoir plus de chance que moi sur le second objectif. Donc je tente de viser le 1er point d’abord, ça permettra peut-être d’améliorer ma cote avec Kate. Sinon j’irai chercher un serre-tête muni de ces oreilles d’ânes dont les gosses raffolent !

Devant le plus jeune des ânes, Kate fait enfin entendre le son de sa voix Je souris et acquiesce. Oui, l’âge de Glace. C’est une soigneuse qui a choisi. Je n’y suis pour rien ! Mais ça lui va bien à ce petit âne et ça fait toujours réagir les plus jeunes.

J’essaye alors d’en savoir plus sur Kate, comprendre son rapport aux animaux, enfin en tout cas d’en apprendre davantage sur elle. Et sa réponse est en accord avec son comportement. L’opposé de Lise. Ce qui est très surprenant. Souvent ceux qui sont très en contacts avec les animaux sont rarement très fusionnels avec les gens moins fans des bêtes à poils. Mais tout est possible dans le monde. Et j’ai comme l’impression que pour Kate, c’est plus un manque d’occasion qu’une non affection. Il suffit de voir comment elle est souriante devant Many. J’apprends qu’elle est donc irlandaise

- Cork ? Une jolie région aussi !

Je laisse Kate s’amuser du contact avec Many, mais il y a une fin à tout. Nous ne devons pas perdre de vue l’objectif de notre venue ici. J’entraîne alors Kate près de la barrière cassée. La veille nous avons démonté les barreaux abimés et déposé les planches neuves.
La jeune fille n’ayant jamais fait ce genre de travaux, j’y vais en douceur. Je suis capable de tout monter du moment qu’une paire de bras m’aide à maintenir les planches. Les premiers clous insérés, je constate que Kate semble bien maintenir la planche. Je finis donc d’enfoncer les clous avec force.

- Parfait !

Je souris à la demoiselle pour lui assurer que je suis satisfait. Mais elle me surprend en me proposant de tenir les clous pour me les donner au fur et à mesure. J’acquiesce avec joie. C’est sûr que ça sera plus facile et rapide.

- Bien sûr ! Et si tu essayais le marteau ? Tu veux planter un clou ? Je te montre comment faire pour ne pas te taper dessus.

Prenant un clou je le pose sur la planche.

- Tu vois la pointe permet de marquer l’emplacement où enfoncer le clou et aussi de le maintenir mieux contre la planche. Ensuite tu tapes de petits coups pour enfoncer correctement le clou. C’est la phase délicate où il ne faut pas taper le marteau à côté de la tête sinon tes doigts prennent chers !

Je m’exécute pour lui montrer tout en expliquant. Puis je lui tends le marteau.

- Ensuite tu peux lâcher le clou et frapper plus fort. Vas-y fini de l’enfoncer !

Je la laisse faire. Je pourrais saisir sa main et l’aider à mettre de la force dans son geste, mais je ne veux pas la mettre mal à l’aise. C’est une jeune fille d’une vingtaine d’années, mes gestes pourraient la gêner et être mal interprétés. Je la regarde faire et souris devant sa concentration.

- Parfait Kate ! A la fin de la journée tu sauras manier le marteau comme personne !

Mais la voyant frapper, son visage me fait comprendre qu’elle contient une douleur. Et à la manière dont sa main manœuvre le marteau, il ne m’en faut pas plus pour comprendre.

- Attends !

Je ne la laisse pas finir son coup et saisis le marteau pour choper sa main dans la mienne. Je l’ausculte et découvre une écharde dans son doigt.

- Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu es blessé ? Je suis bête, j’aurai dû te donner des gants. Viens là !

Ma voix n’est pas agressive, juste factuelle. Mais la douceur n’est pas toujours ma meilleure prestation avec les humains, et j’entraîne la demoiselle vers la voiturette surement un peu trop vivement. Je grimace et lui indique de s’assoir.

- Excuse-moi. Je ne suis pas toujours très… délicat avec les gens. Je ne te dispute pas, Kate. Je veux juste te soigner. Et tu aurais dû me le signaler. Ce n’est pas grave, ça arrive. Si tu savais le nombre de blessures que j’ai pu avoir en réparer les choses ici !

Je sors la trousse de secours et saisi la pince à épiler, le désinfectant et un pansement.

- Je vais pincer, ça va faire un peu mal tant que je n’ai pas retirer le bout de bois. T’as le droit d’hurler. Il est reconnu que je suis un tortionnaire !

Je conclue avec un grand sourire et un clin d’œil. J’espère la faire sourire et qu’elle s’exprime. Je commence à comprendre les inquiétudes de Lise. Cette jeune fille semble vouloir garder en elle ses émotions. Même pour une simple écharde. Si je dis à mon frère que j’ai trouvé pire que lui, il ne me croira jamais ! Pire que moi ? Oui possible aussi !

Il est sympa lui, il permet à Kate d’apprendre, d’essayer, de s’entraîner. Elle aime les choses nouvelles, les choses qu’elle n’a jamais faites mais qui n’attendent qu’elle, maintenant qu’elle en a l’occasion. Ici, à Stonebird, le maître-mot est opportunité, et ça, Kate l’a bien compris.

Elle le regarde faire, il lui explique clairement et c’est quelque chose qu’elle respecte. C’est parfois compliqué d’expliquer, surtout à une néophyte comme elle. Elle est concentrée, son regard vert perçant et ses sourcils un peu froncés, les lèvres légèrement pincées. Elle suit des yeux les mouvements des mains de l’homme, tentant de les graver dans son esprit, de les assimiler pour les reproduire à la perfection.

Il lui tend le marteau, elle le remercie avec un sourire, toujours concentrée sur la tâche qui lui incombe à présent : celle de planter ce simple clou dans la planche. Ça ne doit pas être bien compliqué, non ? Le marteau dans sa main est lourd, et en le prenant, elle a senti une petite décharge de douleur dans la paume de sa main. Sans doute l’écharde, sur laquelle s’appuie le manche de l’outil qu’elle serre avec force. Elle se mordille la lèvre, distrayant son esprit vers un autre point douloureux, place le clou là où Aydan lui indique et, hop, comme il lui a dit, deux petits coups sur la tête du clou qui s’enfonce sans difficulté dans le bois. Elle le lâche avec précaution, il ne bouge pas, elle sourit dans sa concentration. Elle donne les coups avec le marteau qui, enserré dans sa main, lui fait un peu mal, sans que ça ne soit extrême. Elle se contente de serrer les dents et de focaliser son attention sur le clou qu’elle enfonce plutôt que le dard qu’elle a l’impression de sentir dans sa peau. Une légère grimace lui échappe tandis qu’elle donne encore quelques coups, déglutissant avec difficulté. Ne pas céder. Ça ne fait pas si mal, de toute façon. Elle veut faire le boulot bien, sans remous, sans accroc. Cette stupide écharde, elle l’enlèvera plus tard, prétextant une pause toilette ou elle ne sait quoi.

Elle recule le marteau pour le coup de grâce mais Aydan l’arrête. Elle le regarde, agacée, pensant qu’il trouve qu’elle fait ça mal, qu’elle se trompe, qu’elle merde. Elle ne veut pas faire de la merde, et elle trouve qu’au final, elle se débrouille franchement très bien. Mais alors que, lui piquant le marteau et la faisant protester, il retourne sa main pour en inspecter la paume, elle se tait et se contente de soupirer. Quoi, il ne va pas faire tout un plat pour une simple écharde ? Elle lève les yeux au ciel alors qu’il, en effet, en fait tout un putain de plat. Ô Ciel. Déjà, il ne s’emporte pas, ce qui permet à Kate, à son tour, de mesurer son irritation, de ne pas s’énerver contre cet homme qui se prend pour quelqu’un de responsable. Il a une aura calme, presque douce, qui semble apaiser, rien qu’un peu, le sang chaud de la jeune fille.

Cependant, c’est avec une certaine force qu’il l’entraîne vers la voiturette, frêle brindille secouée par le vent du Nord. Elle veut encore protester, mais elle voit la grimace sur son visage, son cœur rate un battement, hésitant encore honte et colère, elle s’assoit sans rien dire, s’attendant à se faire sacrément remonter les bretelles pour… pour rien, encore une fois ! Une simple écharde, ça peut attendre, on n’a pas besoin de tout ce cinéma ! Elle rouspète intérieurement, à deux doigts de le faire verbalement, mais il se met à parler, elle tait sa voix intérieure pour l’écouter, réticente.

« Je ne te dispute pas, Kate. Je veux juste te soigner. Et tu aurais dû me le signaler. Ce n’est pas grave, ça arrive. Si tu savais le nombre de blessures que j’ai pu avoir en réparer les choses ici ! »

Elle roule les yeux, théâtrale. Mais pour qui il se prend ? Elle sent qu’il n’a pas fini, garde sa diatribe pour plus tard, le regarde sortir tout ce qu’il faut pour retirer l’écharde. Elle a un frémissement d’appréhension inconscient. Ce n’est jamais agréable de retirer un éclat de bois de la peau, surtout s’il est enfoncé.

« T’as le droit d’hurler. »

Oh que non. Kate hurle, mais de rage, pas de douleur. Elle lui sourit juste, la ligne formée par ses lèvres frémissant. Elle appréhende moins lorsque c’est elle qui le fait elle-même, mais elle peut admettre que manier une pince à épiler de la main gauche est hasardeux. Les ambidextres sont chanceux. Profitant du silence qu’Aydan lui offre, elle se met à parler alors qu’il désinfecte la peau, avant de faire quoi que ce soit. Elle tente de ne pas s’emporter. Ses parents lui ont souvent dit de ne pas monter sur ses grands chevaux trop rapidement. ‘Garde ta rage pour les grandes batailles.’

« Je sais que ce n’est pas quelque chose de grave. Justement, ce n’était pas important, je n’avais pas à vous en faire part. C’est quelque chose que je pouvais régler plus tard, ça ne pressait vraiment pas. »

Elle s’échauffe un peu, le regard fixé sur le visage de l’homme, sans doute concentré sur sa tâche.

« Je ne vous ai pas demandé de m’aider. Je vous ai demandé de m’apprendre à planter des clous. Je n’ai pas besoin de- »

Elle s’interrompt, se raidissant une brève seconde, tout juste le temps que l’éclat s’extraie de sa peau. Elle lance un regard furieux à l’homme, se disant qu’il a fait exprès de choisir ce moment pour l’empêcher de continuer. Le picotement du désinfectant sur la micro-plaie est désagréable mais indispensable et y attire son esprit. Sa main a détourné l’attention de l'expression verbale de son agacement, elle se tait à présent, regardant Aydan faire. Jeune fille dans les nuages, si concentré et pourtant si aisément distraite.

Sujet: Re: Réparations en tout genre [Aydan & Kate] Mer 11 Sep 2019 - 15:23

J’aime expliquer aux jeunes la vie des rapaces, des animaux de la faune locale, tout autant que la gestion du parc et notre travail de réintroduction dans les Burren. Et quand je gère un groupe de bénévole, je prends chacun comme il est. Avec ou sans expérience, le principal est la volonté de bien faire. Peu m’importe que je mette une ou deux heures de plus que prévu pour faire un travail, le principal est qu’on finisse et que tout le monde en soit satisfait. C’est pourquoi il est naturel pour moi de montrer à Kate comme je m’y prends, puis de lui passer le relai. Elle n’est peut-être habituée aux travaux manuels de par son éducation ou sa vie, ça ne fait pas d’elle une empotée. Surtout que Lise m’a dit qu’elle dessinait à merveilles, c’est qu’elle a un côté manuel et créatif en elle. Evidemment réparer une barrière d’enclos est loin d’être comparable à la réalisation d’un dessin ou d’une peinture, mais ça reste une activité manuelle, plus physique certes.

Kate semble contente que j’invite à essayer. Son air sérieux me dit qu’elle veut bien faire. Mais quand je me rends compte qu’elle a une belle écharde dans la main, j’avoue que je ne comprends pas son silence. En général, les étudiants non manuels sont du genre à geindre au moindre bobo. Là c’est surtout que l’écharde peut infecte l’intérieur de sa main et empirer en ne la retirant. J’ai déjà vu ce genre de blessures d’apparence anodine au début qui devient une véritable plaie. Alors j’agis. Peut-être d’une manière un peu trop brusque. On ne se refait pas. Mais en rien je me montre en colère ou agressif. Pourtant je sens une tension, une résistance dans son corps. Elle se laisse soigner de bonne grâce, mais je sens qu’elle est fébrile quand je sors la pince à épiler. Mais quand elle me répond, je comprends que ce n’était pas tant de la peur de la douleur, mais plus une sorte de pudeur ou de honte. Et ça me confirme que cette demoiselle est un petit rocket empli d’émotions retenues. Bon d’accord je ne vais pas lui présenter mon image, ça pourrait la vexer ou la foutre en rogne. Ce n’est pas mon but. Je cherche à ce qu’elle lâche un peu prise et espérer qu’elle se confie un peu plus à l’avenir à son amie sur ses émotions négatives qu’elle garde enfoui en elle. Mais je crois que cela va être un travail de longue haleine.

Je continue mon travail de soigneur en lui souriant. Je ne relève pas qu’elle ne trouve pas cette blessure urgente. Mais elle lâche sa colère, un petit peu. Sauf que j’attrape enfin cette saleté d’épine et je profite de son inattention à sa plaie pour la retirer. Le regard furieux de la jeune Kate me fait sourire. C’est plus fort que moi.
Je continue à penser la plaie, rien de méchant au final. Un peu de désinfectant et un petit pansement et ça ira. Ça devrait vite cicatriser. Mais tout en faisant je la regarde de temps en temps, toujours le sourire aux lèvres.

- Je ne te soigne pas pour le plaisir de te contrarier Kate. Mais pour éviter la surinfection. Tu ne voudrais pas ne plus pouvoir dessiner plusieurs jours parce que ça te fait trop mal à cause d’une infection ? Et surtout ça m’intéresse ce que tu allais dire. Vas-y continue ton discours ! Tu peux me gueuler dessus, si ça te fait du bien. Libère ta colère ou toute autre émotion qui t’agite intérieurement.

Je range le matériel et lui indique la barrière à réparer

- Mais je t’invite à plutôt utiliser cette énergie que tu gardes en toi pour continuer la réparation. Tu ne boudes pas au moins ?

Ma question et mon regard se veulent taquin et d’une tendre affection. Mais rien ne peut me prédire si elle saura l’encaisser comme tel. Au pire, elle pique sa colère sur moi. Ce n’est pas grave. Je sais encaisser ça. Je n’étais pas mieux qu’elle à son âge. C’est même loin d’être différent aujourd’hui. J’ai juste un peu muri, comprenant que je me fais plus de mal en gardant l’énergie négative en moi qu’en la libérant. D’où mon footing quotidien.

HRP:

Sujet: Re: Réparations en tout genre [Aydan & Kate] Dim 6 Oct 2019 - 19:15

Comment sait-il qu’elle dessine ? Elle le regarde, de nouveau méfiante. Son cerveau se remet en marche, et elle se dit qu’elle lui a peut-être dit. Ou que c’est Lise qui raconte sa vie. Ça ne l’étonnerait pas. La méfiance s’atténue, très vite remplacée par de l’irritation, de nouveau.

Kate est une boule de rage. Son sang semble bouillonner en permanence, sans que ça ne lui fasse réellement plaisir non plus. Elle se rend compte de son habitude à sauter à la gorge des gens lorsqu’ils lui déplaisent, mais elle sait aussi qu’elle est agréable la plupart du temps. Alors elle se dit que ça va, ça passe, elle n’a pas réellement besoin de changer quelque chose qu’elle a tant de mal à contrôler.

Tout comme sa désastreuse habitude à tout garder pour elle. Elle n’aime pas du tout se confier, parler de ce qui la ronge. C’est à elle, c’est sa propriété, son problème. Elle ne veut pas encombrer les autres avec ses nuisances, et elle ne souhaite surtout pas attirer la pitié ou donner l’occasion à l’autre de se servir de ses faiblesses pour la poignarder par derrière. Peut-on dire qu’elle fait cela par expérience ? Pas réellement. Bien sûr, quelques de ses secrets d’enfants ont déjà été révélés par ses amis, on l’a parfois trahie, sans que ça ne devienne une récurrence immuable. Mais Kate est comme ça, et c’est tout.

Elle le regarde donc avec des yeux brûlants, elle a envie de lui rétorquer quelque chose au visage mais les mots sont coincés, et il en profite pour poursuivre. Agacement. Ça pique, ça chauffe. Elle veut rouspéter, comme une enfant, mais elle ne veut pas jouer à la gamine chiante. Sa fierté l’empêche de bouder, comme il le dit, surtout avec des gens qu’elle ne connaît pas. Mais c’est plus fort qu’elle, et elle se renfrogne. Elle n’aime pas qu’on pointe ses faiblesses, les problèmes qu’elle rencontre dans sa vie, même les plus petits. Elle déteste ça, en fait. Sa bouche se tord, elle crache.

« J’ai pas demandé une séance de psy. Je suis venue pour réparer une barrière, pas pour parler de problèmes imaginaires. »

Elle verse dans le déni, à présent. Sa chevelure auburn est désorganisée, tout comme ses pensées folles qui tournent à toute vitesse dans son esprit, s’évaporant ou se cognant, collisions qui font des étincelles dans sa tête et qui la déconcentrent. Ses yeux verts sont à présent détournés, elle ne sait pas quoi faire contre cet homme qui semble l’avoir bien trop facilement percée à jour. Son regard se repose sur lui, elle le veut déterminé, mais il est teinté d’une pointe de réticence.

« C’est Lise qui vous en a parlé, hein ? Elle exagère toujours. »

‘C’est de la faute de Lise.’
Chercher un coupable est un mécanisme de défense assez répandu. Se débarrasser de toute responsabilité dans ses soucis, trouver un bouc-émissaire, avoir l’esprit tranquille. C’est malsain. Kate saute de la voiturette sans prévenir et retourne à la barrière, attrapant le marteau et un clou. Elle observe le motif de clous qui se forme, devine là où doit se planter le prochain, et se remet au travail sans vérifier si Aydan l’a suivie, si elle a son accord, ou quoi que ce soit. Ses mains tremblent un peu alors qu’elle positionne le clou sur la planche. ‘C’est pas de ma faute. Ils se sont ligués contre moi.’

Sujet: Re: Réparations en tout genre [Aydan & Kate]

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